Comment les entreprises agissent pour ne pas subir les catastrophes naturelles

On ne peut pas lutter contre un ouragan. En revanche, on peut en limiter les impacts sur son bâtiment et son activité. En matière de risque de catastrophe naturelle, il s’agit d’agir pour ne pas subir
Stéphanie Gallo Triouleyre
Dégats inondations Givors Desjardins
Les dégats des inondations à Givors le 18 octobre 2024.  -  Sipa Press

« Évidemment, on ne peut pas empêcher la pluie de tomber à torrent. Mais, pour autant, la plus mauvaise des postures est celle de s’en remettre au destin, en espérant être épargné », insiste Stéphane Richard, directeur prévention et gestion de crise du groupe Dalkia et coprésident de la commission prévention et dommage de l’AMRAE.

Un point de vue que partage Michel Josset, l’autre coprésident de cette commission, par ailleurs directeur assurances et prévention chez Forvia. « Nous ne sommes pas démunis face aux catastrophes naturelles. En revanche, il faut agir, investir à la hauteur de ses moyens, prendre les bonnes décisions et déployer un plan de prévention et d’atténuation afin de maîtriser au mieux ses risques ».

Bien identifier son exposition aux risques naturels

La première des étapes, incontournable, réside dans l’identification de son exposition au risque. Plusieurs outils sont disponibles gratuitement. Notamment le portail Georisques, piloté par le ministère de la Transition écologique. Pour chaque adresse en France, il permet d’établir un état des lieux précis des risques d’inondation, de mouvement de terrain, de retrait/gonflement des argiles etc. Ou encore le portail Drias de Météo France, qui permet de visualiser des projections climatiques.

Dans cette démarche d’identification, Damien Bourgeois, dirigeant de Fair&Co, cabinet de conseil en adaptation au changement climatique, conseille également de « dialoguer avec les préfectures, les municipalités, les services d’urgence locaux ».

Autres acteurs essentiels sur lesquels l’entreprise peut et doit s’appuyer : ses assureurs. Ils ont accès à de très nombreuses données liées à l’exposition au risque naturel et disposent pour la plupart d’une expertise de plus en plus pointue sur le sujet. Certains ont développé des services avancés de modélisation et d’accompagnement. C’est le cas, par exemple, de FM (700.000 sites assurés dans le monde) qui propose un outil d’étude du risque climatique sur toute la planète ainsi que des outils prédictifs permettant de donner à ses clients une vision de leur exposition à l’horizon 2030/2050. Axa Climate a également mis au point des outils sophistiqués de cartographie et de prédiction et Axa XL a développé avec Kayrros, société d’intelligence environnementale, un service de prévention du risque de feu de forêt via des images satellites boostées à l’intelligence artificielle.

Rhone Inondation
Inondations à Givors en octobre 2024  -  Bony/SIPA/Bony/SIPA

C’est la démarche qu’a suivie le cimentier Lafarge, selon Arnaud Bergauzy, responsable du département risques et assurances jusqu’à ces dernières semaines (et désormais directeur des assurances groupe de Vivescia). « Une task force pilotée par le service RSE a été mise en place il y a 18 mois environ et nous avons travaillé avec Swiss RE pour identifier nos sites les plus à risque aujourd’hui et à horizon 2050. L’étape d’après sera celle de la quantification et du déploiement d’un plan de prévention et continuité d’activité ».

Construire un plan de prévention et déployer des protections

Effectivement, une fois les risques identifiés, il s’agit d’en limiter le coût. Pour cela, les investissements à prévoir peuvent être plus ou moins importants, selon les moyens de l’entreprise et ses priorités. « Face au changement climatique et à l’augmentation corrélée en fréquence et en intensité des catastrophes naturelles, il va falloir indéniablement investir pour se protéger et s’adapter. Mais d’autres dépenses sont en compétition : pour la cybersécurité, pour la décarbonation, pour n’en citer que deux. Il faut donc savoir par quel site commencer et avancer étape par étape. Cela passe par la définition du risque acceptable », observe Huu-An Pham, directeur de l’adaptation territoriale chez Axa Climate. Les investissements peuvent être financés, pour partie, par certains assureurs. FM, par exemple, a lancé il y a deux ans, « Résilience Crédit » : une diminution de la prime accordée à certains clients, en échange d’actions de prévention.

Concrètement, la prévention passe souvent par une savante combinaison entre des mesures de « bon sens » et des investissements dans des dispositifs de protection permanents ou temporaires. Contre les inondations, les entreprises peuvent s’équiper de batardeaux ou de dispositifs de super-absorbants, plus efficaces que les sacs de sable… Cela devant être couplé avec une réaction rapide et donc à un système d’alerte interne efficace pour, au plus vite, placer en hauteur les matériels sensibles et les stocks, couper les alimentations en énergie et bien entendu mettre le personnel en sécurité.

« Pour se prémunir contre les vents forts, il faut souvent rajouter quelques points de fixation aux endroits stratégiques. Contre la grêle, il est possible de limiter les dégâts sur les panneaux solaires : par exemple en investissant dans du matériel spécifique », conseille Loïc Le Dréau, directeur général des opérations de l’assureur FM pour la France et la Suisse. Idem pour le choix des tuiles : face au dérèglement climatique, les industriels avancent assez vite sur de nouveaux matériaux innovants. Plus chers mais plus résistants.

Sur le sujet de la grêle encore, les toitures en fibro-ciment sont à éviter. « La grêle hache menu ces toitures, ce qui génère des interruptions d’activité longues. Les entreprises avec de tels équipements doivent se poser sérieusement la question de leur remplacement, même si cela représente des investissements non négligeables », observe Michel Josset, de l’Amrae.

D’où l’intérêt financier d’intégrer ces questions de résilience climatique dès le choix de l’implantation des nouveaux sites et, by design, c’est-à-dire dès la phase de conception. « C’est vrai pour la plupart des risques liés au climat : la résistance aux vents violents, le drainage des eaux de ruissellement, le choix de matériaux plus résistants à la grêle ou aux fortes chaleurs, la résistance des équipements critiques (électriques ou informatiques) aux vagues de canicules etc », conclut Huu-An Pham.

A lire aussi: Urgence climatique : pour une mobilisation générale du bâtiment - la tribune d'Olivier Salleron

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